Dans une décision qui fait grincer des dents à Bruxelles, le Sénat a choisi de ne pas inscrire dans la loi française l’interdiction de la vente de voitures thermiques neuves en 2035. Si cette échéance reste un cap fixé par l’Union européenne, elle n’aura donc pas de traduction immédiate dans le droit national. Un signal fort envoyé par la droite sénatoriale, qui plaide pour une transition plus progressive et rejette une interdiction qu’elle juge prématurée et risquée pour l’industrie automobile.
Une échéance européenne contestée
A l’origine, la France s’était engagée à interdire les véhicules thermiques neufs d’ici 2040. Mais Bruxelles, dans sa course à la neutralité carbone, a avancé l’échéance à 2035. Un calendrier jugé intenable par de nombreux acteurs de l’automobile, d’autant plus que l’UE prévoit une clause de réévaluation en 2026. C’est précisément cet argument qu’ont utilisé les sénateurs pour refuser d’intégrer cette interdiction dans la législation française, estimant qu’il serait absurde de graver dans le marbre une décision qui pourrait être revue dans deux ans.
Le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, a tenté de rassurer, rappelant que les constructeurs eux-mêmes ne remettent pas en cause l’objectif de 2035 mais demandent de la flexibilité dans sa mise en œuvre. Pourtant, ce refus du Sénat sonne comme une volonté de garder la main sur la transition automobile, sans suivre aveuglément les injonctions européennes.
Une bataille économique avant tout
Derrière cette décision, c’est toute une vision de l’industrie automobile qui est en jeu. Si les grands constructeurs ont déjà amorcé leur virage vers l’électrique, la droite sénatoriale met en garde contre les conséquences économiques d’une interdiction trop brutale. Une disparition précipitée des moteurs thermiques mettrait en péril des milliers d’emplois dans la filière automobile, notamment chez les sous-traitants spécialisés dans les pièces et composants de ces véhicules.
La montée en puissance du tout-électrique pose aussi la question des coûts, car produire des voitures électriques est plus cher, ce qui se répercute directement sur le prix de vente. Les sénateurs craignent un effet pervers : voir une partie des Français exclus du marché du neuf, faute de pouvoir s’offrir une voiture électrique, alors même que les infrastructures de recharge restent insuffisantes sur le territoire.
L’opposition écologiste monte au créneau
Si la droite sénatoriale joue la carte du pragmatisme économique, la gauche et les écologistes dénoncent un net recul des ambitions climatiques. Yannick Jadot parle d’un « sabordage de la transition écologique », tandis que Simon Uzenat, sénateur socialiste, critique un manque de courage politique. Pour eux, maintenir les véhicules thermiques plus longtemps, c’est freiner l’effort nécessaire pour lutter contre le réchauffement climatique. Ils rappellent que l’industrie automobile, bien que réticente sur certains points, s’est engagée sur cette trajectoire et que repousser l’échéance enverrait un mauvais signal.
La comptabilité verte des entreprises aussi repoussée
Au-delà de l’automobile, le Sénat a également décidé de reporter de quatre ans l’entrée en vigueur de la comptabilité verte pour les entreprises. Initialement prévue pour 2026 sous l’impulsion d’une directive européenne, cette obligation imposerait aux entreprises de publier des données détaillées sur leur impact environnemental. Dans le détail, les sénateurs ont jugé cette mesure trop contraignante, notamment pour les PME, qui risqueraient d’être noyées sous des obligations administratives excessives. Un report à 2030 a donc été voté, au grand dam des défenseurs de la transparence écologique.
Pour autant, rien n’est encore joué. Le texte adopté par le Sénat doit maintenant être débattu avec l’Assemblée nationale. Deux scénarios sont possibles : soit les députés valident la position des sénateurs, soit ils imposent une nouvelle lecture qui pourrait modifier le calendrier. Affaire à suivre.
Cet article a été écrit en collaboration avec le site Service-cartegrise.fr (linktree : https://linktr.ee/service.cartegrise)
Commentaires récents